Qualité des eaux de baignade : à qui se fier ?

Avant la période estivale, les Agences Régionales de Santé (ARS) classifient les plages françaises en fonction de la qualité de l’eau. Mais en 2023, l’association Eau et Rivières de Bretagne a décidé de lancer sa propre classification. Pour les baigneur.euses qui font face à des résultats différents, cette initiative est devenue un casse-tête, avec une question : à qui se fier et où se renseigner ?

L’eau de la plage de Pors-Garo est classifiée comme de “bonne” qualité par l’ARS mais “à éviter” par Eaux et Rivières de Bretagne. © Matthieu Riolland

Sur le chemin qui mène à la plage de Pors Garo se distingue un panneau d’affichage. En début de saison estivale, la mairie est venue y déposer une affiche informant les baigneur⋅euses. On peut y lire l’analyse de l’ARS : « bonne qualité de l’eau ».

Rose-Marie habite à Trélévern, elle promène tous les matins son chien sur la plage. « Il n’y a pas de pollution visible et s’il se passe quelque chose, on est informé », affirme-t-elle. Mais lorsqu’on lui apprend qu’Eau et Rivière de Bretagne a classifié la plage « à éviter », Rose-Marie se sent perdue : « il y a toujours des études, des contre-études. Mais je pense qu’ils [l’ARS] ne nous mettent pas en danger ».

Classement de la plage Pors Garo par l’Agence Régionale de Santé. © ARS Bretagne
Classement de la plage Pors Garo par Eau et Rivières de Bretagne. © Eau et Rivières de Bretagne

Le suivi de la qualité des eaux de baignades est encadré par la directive européenne sur la qualité de l’eau du 15 février 2006. Elle oblige les États membres à installer un suivi sur les bactéries fécales issues des animaux et de l’homme, l’Escherichia coli (E.coli) et les Entérocoques intestinaux. En France, c’est l’ARS qui s’occupe de ces analyses, et c’est avec l’appui de ces résultats que sont prises les décisions d’interdiction de baignade.

Un calcul des résultats qui fait débat

Pourtant, Eau et Rivières de Bretagne a lancé son propre classement pour mettre en lumière des failles dans le dispositif de l’ARS. Pour Dominique Le Goux, chargée de mission dans l’association, le premier point d’interrogation est le calcul du classement. « Certains résultats sont écartés lorsqu’une plage est fermée. Pour nous, c’est une défaillance. »

La directive européenne indique qu’il est possible de mettre de côté certains prélèvements selon quatre critères :

  • La publication d’un arrêté d’interdiction de baignade préventif
  • Des mesures de préventions et de communications pour éviter l’exposition des baigneur⋅ses (affichage, communiqué de presse…)
  • Les origines de la pollution ont été identifiées
  • Des actions pour lutter contre la pollution sont en cours

Sylvain Prudhomme, responsable à l’ARS des eaux littorales des Côtes-d’Armor, souligne que ces mises à l’écart ne sont pas récurrentes. « Nous n’avons écarté aucun résultat en 2024. »

Pour sa classification, Eau et Rivières de Bretagne s’appuie sur les données officielles de l’ARS des quatre dernières années. Imaginons une plage où, sur quatre ans, 40 analyses ont été demandées par l’ARS. Sur ces 40 résultats, 30 sont jugés de « bonne » qualité. C’est-à-dire que l’on retrouve moins de 100 E. Coli et 100 Entérocoques intestinaux dans les prélèvements. Les dix autres sont « moyens » ou « mauvais ». L’association obtient un résultat de 75%. Pour Eau et Rivières de Bretagne, cette plage serait « déconseillée », car le pourcentage de chance de se baigner dans une eau de bonne qualité est inférieur à 85%, mais supérieur à 70%.

Les différents niveaux de classification de l’ARS. © ARS Bretagne

Sur ces 40 résultats, l’ARS va, de son côté, les classer du meilleur au moins bon. Elle va sélectionner 95% des meilleurs prélèvements sur les quatre dernières années. Sur notre plage imaginaire, les deux résultats les moins bons seront donc mis à l’écart. La valeur qui détermine la classification de la plage sera donc le troisième résultat le plus élevé en E.Coli et en Entérocoques intestinaux. Imaginons que ce troisième résultat le plus élevé de notre plage soit de 190 E.Coli et de 190 Entérocoques intestinaux, alors le lieu de baignade va être classé comme de « bonne » qualité par l’ARS, alors qu’Eau et Rivières de Bretagne le classe comme « déconseillé ».

Fabrice Hamon effectue ses propres prélèvements dans les eaux du Foul, à Landunvez. © Fabrice Hamon

Un riverain lance l’alerte

À Landunvez, dans le Finistère, un riverain effectue ses propres prélèvements. Fabrice Hamon habite juste à côté de la plage du Foul. En 2022, il remarque que le cours d’eau qui se jette dans la mer est marron. À l’aide de flacons stériles fournis par un laboratoire, il prélève 100 ml d’eau à chaque fois qu’il pense déceler un problème. Il emmène ses échantillons dans un laboratoire à Plouzané, à 45 minutes de chez lui. Les résultats qu’il obtient sont bien différents de ceux de l’ARS : « j’obtiens une moyenne de 21 000 E. Coli pour 100 ml d’eau en 2024, contre une moyenne de 100 E. Coli pour l’ARS. »

Une différence importante, qui s’explique par le fait que les prélèvements ne sont pas effectués au même endroit ni au même moment. Fabrice Hamon alerte les riverain⋅es sur la mauvaise qualité de l’eau et la dangerosité de s’y baigner, mais la plage reste classée « bonne » par l’ARS.

Une commune engagée

Afin d’obtenir une certification Gestion de la qualité des eaux de baignade, et donc de rassurer les touristes qui viennent en nombre durant la période estivale, certaines communes font réaliser des mesures complémentaires. C’est le cas de Perros-Guirec. « L’ARS effectue le strict minimum », confie Adèle Villain, responsable de la certification à la mairie de Perros-Guirec. Quand l’ARS réalise huit prélèvements par saison, la mairie, elle, en commande le triple.

Sur la plage de Trestraou à Perros-Guirec, la qualité de l’eau est affichée. © Matthieu Riolland

Même si l’ARS a la primauté des analyses des eaux de baignade, certains acteurs relèvent des failles dans leurs méthodes et recommandent aux baigneur⋅euses de faire preuve de bon sens. « Il y a toujours des facteurs de risques, si l’eau a une mauvaise couleur, il vaut mieux éviter de s’y baigner », confirme Sylvain Prudhomme. Il est donc conseillé aux baigneur⋅ses de se renseigner avant de se jeter à l’eau.

Infos pratiques :
Afin de savoir si l’eau est de bonne qualité pour se baigner, il est possible de consulter la carte de l’ARS : https://baignades.sante.gouv.fr/baignades/homeMap.do#a
Mais aussi une carte réalisée par l’association Eau et Rivières de Bretagne : https://www.labelleplage.fr/
Il est également possible de consulter les sites web des communes qui indiquent souvent les résultats des tests effectués durant l’été.

Matthieu Riolland et Léane Delabrière

Matthieu Riolland

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