Algues Vertes : objectif consensus pour l’emplacement des capteurs d’Air Breizh
Putréfaction, odeur d’œuf pourri et risque mortel, l’association Air Breizh est en première ligne face aux algues vertes. Ses 17 capteurs, implantés sur le territoire breton, surveillent les émanations. Leur emplacement est le résultat d’un long processus de discussion entre acteurs locaux et représentants de l’État.

Drapeau rouge pour les plages bretonnes. Cet été, une vingtaine d’entre elles ont été temporairement interdites à la baignade. En cause, pour certaines, une pollution atmosphérique.
À Hillion, dans la baie de Saint-Brieuc, à trois reprises, les capteurs de l’association Air Breizh ont enregistré des taux d’hydrogène sulfuré (H2S), supérieurs au seuil d’alerte d’ 1 ppm (particules par million). La raison : la putréfaction d’algues vertes. Depuis 2022, l’association agréée de la surveillance de la qualité de l’air (AASQA) déploie un réseau de capteurs d’hydrogène sulfuré, dans le cadre du plan de lutte contre les algues vertes.
Pour l’année 2024, 17 points de mesure, financés par l’Agence régionale de santé (ARS), ont été installés sur le littoral breton. « En comptant l’acquisition, la maintenance, l’exploitation des données, sur une saison, il faut compter 15 000€ par site », explique Gaël Lefeuvre, directeur d’Air Breizh.

Air Breizh, surveillant de l’air en Bretagne
Créé en 1987, Air Breizh s’appelait à l’origine ASQAR, Association de la Surveillance de la Qualité de l’Air à Rennes. C’est en 1996, avec la loi sur l’Air et l’Utilisation Rationnelle de l’Énergie, que la mission de surveillance de l’air est confiée à des associations. L’ASQAR est alors régionalisée et devient Air Breizh. L’association fait partie du dispositif ATMO, la fédération de 19 associations régionales agréées par le Ministère de la Transition Écologique pour surveiller la qualité de l’air (AASQA).
Cet agrément rend le statut associatif d’Air Breizh particulier. « Quand une association est agréée par l’État, elle a des obligations », explique Gaël Lefeuvre, directeur d’Air Breizh. Parmi ces dix missions, surveiller et évaluer la qualité de l’air et en informer le public et la préfecture.
La gouvernance d’Air Breizh est quadripartite : les services de l’État, les collectivités locales, les entreprises industrielles soumises à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et les associations environnementales. Pour le directeur, la présence des industriels n’est pas problématique : « C’est le ministère chargé de l’Environnement qui fixe par arrêté les zones de surveillance. Nous faisons des propositions, mais c’est le ministère qui décide ».
Air Breizh est subventionné en grande partie par l’État et les collectivités territoriales pour surveiller les polluants réglementés comme les particules fines. « L’H2S n’est pas un polluant réglementé au sens des directives européennes. On a fait le choix de le suivre parce que nous avons eu des sollicitations de collectivités et de l’État, via l’ARS. », précise Gaël Lefeuvre. C’est l’agence régionale de santé qui finance les capteurs le long du littoral breton (en 2023, 99 000€).
Un emplacement qui doit faire “consensus”…
L’hydrogène sulfuré n’étant pas un polluant réglementé, aucun guide ne mentionne la façon d’installer une station de mesure. « Nous faisons des visites sur site avec la préfecture, l’ARS et les communes pour choisir l’implantation des sites de mesure. Cela doit faire l’objet d’un consensus, poursuit Gaël Lefeuvre, On les positionne sur des endroits, un peu en hauteur, à l’abri de l’eau et de l’humidité. »
En 2023, à Plougoulm, commune du Nord-Finistère, le maire Patrick Guen a fait appel à la préfecture. Une pétition de riverain·es s’inquiétait des amas d’algues vertes dans une crique, proche des habitations. « Pour désigner l’emplacement du capteur, on a eu un accord très rapide avec le directeur d’Air Breizh, le sous-préfet et l’ARS. Il y avait un terrain délaissé juste en face de la mer, appartenant au département », explique l’élu. Une satisfaction pour la population.
… mais qui peut susciter des questionnements
Parfois, le consensus pour trouver un emplacement n’est pas aussi évident. À Locquirec, à la frontière du Finistère et des Côtes-d’Armor, deux capteurs ont été installés par Air Breizh. L’un d’eux se situe sur la plage du Fond de la Baie, à la gauche de l’éperon rocheux qui coupe la mer en deux. Le capteur, installé sur un chemin de randonnée, surplombe la plage.
Yves-Marie Le Lay est président de l’association Sauvegarde du Trégor Goëlo-Penthièvre, lanceuse d’alerte sur la problématique des algues vertes. L’homme regarde l’installation avec méfiance. « Ce capteur est placé du mauvais côté de l’éperon. Avec l’orientation des vents, il ne capte qu’un côté de la plage, là où les vagues font beaucoup de va-et-vient, empêchant les algues de stagner et pourrir. C’est de l’autre côté qu’il y a des émanations d’H2S. » Le militant a envoyé des courriels à sa mairie et à l’ARS pour mettre en avant le problème, sans réponse. La mairie de Locquirec n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet.

En 2025, des nouveaux capteurs pourraient être placés. À Taulé, dans la baie de Morlaix, depuis cet été, des habitant·es dénoncent des odeurs insupportables provenant de la putréfaction des algues. Alerté, le maire de la commune, Gilles Créach, a transmis ces inquiétudes à l’ARS. Cette dernière tente de rassurer sur la très faible teneur en hydrogène sulfuré de la zone, mais invite les habitant·es à fermer leurs fenêtres et à prévenir toutes personnes « du risque potentiel que constitue la fréquentation des zones d’échouage d’algues ».
Pour installer un capteur, la mairie doit faire une demande officielle à Air Breizh. Pour Guy Pennec, président de la régie d’eau intercommunale An Dour, « la responsabilité des algues vertes, ce n’est pas du ressort des politiques locales, c’est l’État. C’est lui qui finance l’implantation des capteurs».
Mateo Stephan et Laure Marty-Anahory