Le tri des biodéchets en retard, un enjeu de taille pour les Trégorrois ?

Fini les déchets organiques aux fonds des poubelles. Désormais, il faut les composter. Depuis le 1ᵉʳ janvier 2024, les collectivités sont dans l’obligation de mettre à disposition des citoyens une solution pour permettre le compostage alimentaire. Les Trégorrois·ses rencontrent des difficultés.

Aire de compostage rue Emmanuel Sieyes à Lannion Crédit: Janyce Gallard

« Vous voyez, ici, vous pouvez mettre vos épluchures de banane ou d’oignon…  Et dans le bac suivant, vous avez au bout de six mois un compost riche et parfait pour le potager ». Marin Touzé, responsable “transition écologique” à l’association la Régie de Quartier de Lannion, explique à Aziliz, une habitante, comment fonctionne le composteur collectif inauguré le 14 octobre au quartier les Fontaines. Entrée en vigueur le 1ᵉʳ janvier 2024, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire oblige les collectivités territoriales à mettre en place des solutions de tri des biodéchets pour tous leurs habitants·tes. Le jour de l’inauguration, un café compost a été organisé par la Régie de Quartier de Lannion. Une opportunité pour discuter des problèmes des citoyens·nes, dans une ambiance conviviale : « On manque de bacs, nous ne sommes pas encore dans les clous de la loi, mais nous avons la dynamique », déclare avec un élan d’espoir Marin Touzé. Malgré l’obligation, Lannion Trégor Communauté (LTC) a préféré repousser la généralisation du compostage, pour expérimenter les différentes solutions. La collectivité a lancé le 6 avril 2024 un test de six mois dans trois communes : Trébeurden, Tonquédec et à l’hypercentre de Lannion.

Pour composter, trois possibilités s’offrent aux habitants·tes : 

  • Le compost individuel situé dans les jardins ou sur les balcons
  • Le compost collectif installé dans les espaces publics
  • Une borne d’apport qui consiste à déposer ses ordures dans un conteneur géré par l’agglomération à l’aide d’un bio-seau, 50 sacs en papier et d’un guide pratique du tri.

Trier ses déchets, pas évident pour tous

« Il faut que tout le monde s’y mette parce que les poubelles sont vite remplies », témoigne Eliane, habitante dans un immeuble à Lannion. Elle attend l’arrivée d’une aire de tri collectif dans son quartier.

Si composter est un réflexe pour certains·nes, le geste reste une habitude à prendre pour d’autres. 

Marie-Françoise marche à l’aide d’une canne: « Celui-là, il est loin de chez moi », dit-elle en pointant le bac du doigt. « Je ne peux pas le faire toute seule. J’ai ma femme de ménage qui vient une fois par semaine pour aller vider mon bio-seau. »
Aziliz habite dans une maison avec jardin à Lannion. Au début, elle était réticente à composter : « On a peur d’avoir des rats, peur que ça sente mauvais. Beaucoup de freins mentaux, nous empêchent de nous y mettre ». Il y a six ans, elle décide malgré tout de se lancer. Depuis, la Trégorroise trie ses biodéchets à l’aide de son bac de compost. Avec cette pratique, les déchets dans sa poubelle ont « fortement diminué ». L’obligation concerne seulement les collectivités et les entreprises.  Pour Valéry Marie, chargée de mission déchet pour l’agence de transition écologique (ADEME), les citoyens·nes ont aussi leur part de responsabilité : « On est tous acteurs dans les biodéchets (…) Il y a des enjeux importants. Les usagers peuvent aussi éviter le gaspillage en compostant. »

Un retard dans l’application de la loi

Le 1ᵉʳ janvier 2024 lorsque l’obligation de tri a été annoncée, Lorraine Coché, chargée de mission biodéchets à Lannion Trégor Communauté estime que le territoire n’était pas prêt pour le déploiement des solutions de compostage : « Il y a énormément de choses à anticiper avant la généralisation, nous avons préféré prendre notre temps » . Le cas de LTC n’est pas isolé : « Beaucoup de collectivités sont perdues », constate Cécile Bussière, chargée de plaidoyer et de partenariats pour l’association Réseau Compost Citoyen. En mai dernier, trois organisations écologistes ont pointé, dans un communiqué, le retard accumulé par les communautés de communes. La militante pour le compostage critique la passivité de certaines : « Il y a plusieurs raisons pour lesquelles les collectivités ne sont pas encore dans les clous: économiques, organisationnelles, mais aussi d’orientation politique. Il y a eu un manque d’anticipation. » Mais les villes ne sont pas les seules responsables. Selon Cécile Bussière, beaucoup ont attendu les financements promis par l’État : « Le fond vert, géré par l’Agence de la transition écologique (ADEME), a été mis tardivement en place » soupire-t-elle.

Carte des populations ayant une solution de compostage des biodéchets à moins de 100 mètres de leur domicile en 2025. Crédit: Observatoire de l’environnement Bretagne

Selon l’observatoire de l’environnement en Bretagne, en 2025, l’objectif de 100 % des habitants·tes desservis par une solution ne sera pas atteint. Seuls 43 % des habitants·tes du Trégor pourront compter sur une solution de compostage.

Cyprien Michel et Janyce Gallard

Cyprien Michel

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